Des troubles persistants atteignent votre conjoint, votre enfant, un parent, votre meilleure amie. Une consultation médicale. Des examens. Peut-être un cancer ? Redouté, le diagnostic tombe, c'est le choc. L'annonce de la maladie bouleverse, sidère, les mots se dérobent, l'existence est subitement remise en cause. C'est un traumatisme pour la personne malade, mais aussi pour son entourage, pour vous-même. La vie change, les rythmes et les repères du quotidien sont perturbés. Plus rien n'est comme avant. La lutte contre la maladie est désormais au centre de toutes les préoccupations. A l'angoisse de la mort s'ajoutent les "blessures narcissiques" qu'inflige le parcours de soins : ausculté, échographié, "IRMisé", "biopsié", piqué, tatoué, parfois mutilé... Le corps malade devient l'objet de tous les regards, de toutes les expertises. Simultanément, le patient se perd dans la maladie, vacille et chancelle, en proie à tous les états. Tantôt combative et optimiste, calme et rassérénée, tantôt abattue et déprimée, irritable et pessimiste, la personne malade est, de manière plus ou moins explicite, en quête d'affection, de soutien, de sécurité et de réparation de son image dans le regard des autres. Mais ce "regard-miroir" n'est pas toujours au rendez-vous. Que dire ? Que faire face à une telle maladie à laquelle rien ne prépare ? Et comment prévoir jusqu'à quel point elle vous affectera, vous, qui n'êtes pas malade ?
Entre ce que vous dites, ce que vous ressentez et ce que vous pensez, tout se décale. Votre regard s'affole, les larmes jaillissent, les mots se soincent, ou alors vous adoptez un air détaché, vous tempérez, vous minimisez la gravité de la maladie, l'impact des effets secondaires des traitements... Faute d'offrir un "regard-miroir" dans lequel le malade espérait se retrouver, vous donnez à voir votre propre représentation de la maladie. Ni entendue dans sa plainte, ni reconnue dans son atteinte, la personne en souffrance peut alors se sentir seule, comme recluse dans sa maladie.
Proche et lointaine à la fois
De votre côté naît alors un sentiment d'inutilité, d'impuissance. Pourtant, le témoignage de votre amour, de votre affection est essentiel durant toutes les étapes du parcours de soins : les hospitalisations, la mise en oeuvre de traitements à domicile, la sortie du tunnel thérapeutique, la réinsertion sociale, peut-être aussi parfois la rechute, et parfois les soins palliatifs, la fin de vie. Chacune de ces étapes exige énormément de bienveillance, un peu de savoir-faire, beaucoup d'endurance et une bonne organisation de la vie quotidienne.
Tout le problème est alors de trouver les moyens de vous préserver de l'épuisement physique et psychologique, de vous situer par rapport à la personne malade sans vous perdre de vue. O combien précieux, le réseau familial et amical peut être alors le recours moral et matériel idéal. Les uns accompagnent les enfants à l'école ou les prennent le temps d'un week-end, les autres vous aident dans les tâches de tous les jours et ne manquent jamais de sollicitude.
Las ! Il arrive que ce réseau ne soit guère opérationnel. Dès lors, que faire ? Où trouver de l'aide ? Cet appel au secours posé avec force en 1998, lors des premiers Etats généraux des malades du cancer, a été entendu. Il existe aujourd'hui nombre de dispositifs d'aide et de soutien que vous pouvez solliciter pour mieux vous consacrer à votre proche et vous accorder des temps de pause.
Structures et espaces ressources
La plupart des centres hospitaliers spécialisés en cancérologie disposent désormais de structures diverses et variées dédiées aux malades et à leurs proches qui souhaitent en savoir plus sur le cancer, ses traitements ou les recours médico-sociaux et psychologiques auxquels ils peuvent faire appel.
Parmi ces structures, les Départements interdisciplinaires des soins de support pour les patients en oncologie (Disspo) ou les services hospitaliers équivalents et les Espaces de rencontre et d'information (Eri).
D'un côté, le Disspo vise la mutualisation des compétences et regroupe le service social, la kinésithérapie, la psycho-oncologie, la diététique, les soins continus. "Ce dispositif permet de mieux coordonner les différents modes de prise en charge du patient", résume le Dr Laure Copel, chef du Disspo de l'Institut Curie. Avantage pour les malades et leurs proches : pouvoir s'appuyer sur des expertises cohérentes et adaptées à leur situation.
D'un autre côté, les Eri sont des lieux d'accueil et d'information libres d'accès, initiés par la Ligue contre le cancer. Il en existe à Bordeaux (33), Clermont-Ferrand (63), Montfermeil (93), Mulhouse (68), Nantes (44), Paris (75), Rennes (35) et Villejuif (94) ; d'autres sont en projet. Espaces d'information obligent, ils délivrent les coordonnées de divers dispositifs (Cancer Info Service, associations locales et nationales, etc.) et toutes sortes de renseignements utiles pour comprendre les maladies cancéreuses et trouver des soutiens. "De nombreuses paroles de réconfort et d'encouragement y sont également prononcées, des liens se créent", note Anne Festa, coordinatrice des Eri.
Ce soutien peut être d'ordre psychologique parce qu'il ne vous est pas toujours facile de vous confier à votre entourage ; parce que vous avez du mal à communiquer avec votre proche malade ; parce que vous n'arrivez pas à exprimer votre détresse. Existant depuis une dizaine d'années en France, les groupes de paroles informels, réunis autour d'un psychologue, ou les consultations de psycho-oncologie, peuvent alors vous être d'un grand secours. De manière collective ou individuelle, l'objectif de ces rencontres est, dans tous les cas, de faciliter l'expression de vos sentiments, de vos ressentiments (nulle censure : les larmes, la tristesse, la joie, le soulagement ou la colère y sont légitimes), de lâcher prise, de trouver des repères, mais aussi – et peut-être surtout – de prendre conscience de vos limites. Sinon, comment "tenir" ?
Autre registre, autre type de soutien : les services d'aides au jour le jour. N'hésitez pas à demander les conseils d'un nutritionniste lorsque les traitements contre le cancer entraînent des troubles de l'alimentation et que la composition des menus vous pose problème.
Lorsque vous voulez prendre un congé de travail ou que les soins médicaux de votre proche se font à domicile, l'assistante sociale de l'hôpital est alors la mieux à même de vous informer et de vous orienter vers les services qui vous allègeront la vie : le portage de repas, les soins infirmiers (pour le traitement des escarres, la surveillance des sondes, la pose de perfusions, etc.), l'aide à la personne (pour effectuer la toilette corporelle, les courses, les repas, le ménage, etc.).
Outre les professionnels du secteur médico-social, votre propre environnement social est également à prendre en compte : un commerçant du quartier vient livrer vos courses une fois par semaine ; le traiteur d'en face porte le déjeuner à votre mari alité quand vous êtes au travail, votre voisine va chercher vos enfants à la sortie de l'école... Dès lors, vous pouvez dégager du temps pour mieux vous occuper de la personne qui vous est chère. Mais attention, "l'enfer est pavé de bonnes intentions". Concernant le bien-fondé de votre aide, le mieux serait, sans aucun doute, de vous tourner vers votre proche afin de mieux connaître ses désirs en la matière. Peut-être préfèrera-t-il vous garder à distance de son parcours de soins et privilégier les gestes des professionnels aux vôtres. Ou bien, à l'inverse, il vous sollicitera fréquemment tout au long de ce parcours. Dès lors, êtes-vous toujours en mesure de répondre présent ? Pas si sûr ! Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux vous l'avouer et ainsi envisager, avec votre proche, les solutions qui faciliteront votre vie commune ?
Enfin, pour délicate et complexe qu'elle soit, il ne sera sans doute jamais vain de rappeler que l'aide passe aussi parfois par des choses simples : un appel téléphonique de votre lieu de travail, une sortie en amoureux, en famille, entre amis, un mot doux, un bouquet de fleurs, la banalité d'une discussion... Des « petits riens » qui font chaud au coeur et qui, mis bout à bout, aideront sans doute à mieux faire face à la maladie. Mais attention encore ! Ne perdez pas de vue qu'à l'instar de la personne que vous entendez aider, vous aussi avez le droit de souffler. Sport, promenade, cinéma, lecture, dîner en ville, détentes... Peu importe l'activité, pourvu que vous vous ressourciez au gré de vos envies. Car aider l'autre ne saurait finalement se faire dans l'oubli de soi.
Sarah Mélhénas
Source : Le journal de l'Institut Curie