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14 décembre 2008 7 14 /12 /décembre /2008 19:00




Editorial

 

Un jour, le nombre de ceux qui nous ont quittés est tel que leur vacarme couvre le silence. La perte cesse d’être « ce qui n’arrive qu’aux autres ». On ne peut plus en repousser l’idée, la tenir éloignée dans un avenir aux contours vagues, imprécis. Dans notre conscience, dans notre vie, la mort a frappé. Simultanément, nous-mêmes avons changé, la nostalgie nous étreint de façon plus fréquente, ravivant les blessures du passé. Vient alors le besoin de parler, le refus de taire ce qui nous fait mal, la volonté d’aborder de front ce mot commun à tous et qui à tous fait peur : « deuil ». Cet ouvrage est né de cette nécessité.

Dans un premier temps, nous avons exploré tout ce qui, jour après jour, à notre insu, nous déserte, prend congé : l’enfance, la jeunesse, les illusions, le monde qui radicalement se transforme, le métier auquel un jour il faut renoncer.

Ensuite, malgré les difficultés, les réticences, nous avons interrogé l’intolérable : la mort de l’autre. Comment supporter l’absence quand elle devient plus forte que la présence ?

Enfin, nous avons cherché les moyens pour « ré-agir », c’est-à-dire continuer de vivre malgré la souffrance parfois paralysante.

Peut-on espérer trouver en soi-même, par le biais du cri, du rire, de la parole ou de l’écriture, un recours au désespoir pour qu’un jour nous puissions nous souvenir, ou faut-il chercher de l’aide dans les rituels que la société nous propose ?

Cette question nous a conduits à établir un « état des lieux » des rituels d’aujourd’hui et à mettre en lumière les rapports que la société entretient avec la mort, la souffrance, et le deuil.

Nous avons intitulé le troisième chapitre de cet ouvrage « Réparation », pour insister sur le fait que le deuil fait partie de la vie, car « vivre c’est perdre ». Accepter cette règle du jeu, c’est non seulement contribuer à ce que la vie l’emporte sur la mort, mais aussi se faire attentif à la souffrance que tout être porte en lui.

 

Claudie Danziger

 

 

 

« Mon verre s’est brisé comme un éclat de rire », Apollinaire.

Brisé, fêlé, réparé… Et si certains deuils étaient irréparables ? Le postulat de la réparation mérite au moins d’être questionné. Si les cris, les larmes, la création ou les rituels aident à survivre, humanisent le « plus jamais », doit-on parler pour autant de réparation ? Et pourquoi ne pas envisager l’idée que l’on peut vivre un peu, beaucoup ou passionnément cassé ? A la folie, c’est autre chose.

Ces questions sont des mises en garde, éclairent le sens de cette réflexion sur le deuil. En effet, si la « réparation » conclut cet ouvrage, cela ne signifie nullement que l’on cherche à retrouver une image idéalisée du « comme avant », que l’on a le pouvoir de faire table rase ou de remettre les aiguilles de la montre à l’heure d’avant la perte ; et le terme de réparation ne devient acceptable que parce qu’il évoque l’idée de fêlure, de fissure, de brisure donc.

Lorsque le deuil est fait – s’il est jamais fait – il reste des êtres un peu moins neufs, un peu plus fêlés mais vivants. Et s’il n’y a pas de honte à vivre après, tout rêve de remplacer, combler ou effacer est illusoire. Prendre en compte cette réalité de la blessure et ses traces indélébiles, c’est la condition du deuil accompli qui permet d’avancer sans trop trébucher, riche d’une mémoire. Car loin des cérémonies et monuments aux morts, les disparus survivent en nous ou meurent une deuxième fois lorsque nous cessons de nous souvenir.

 

Nicole Czechowski

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